En droit français, est-il possible de déshériter ses proches ?

Flora Minaire
September 26, 2023
5 min. de lecture

En droit français, est-il possible de déshériter ses proches ?

Suite au décès d’une personne, la question de la transmission du patrimoine du défunt peut parfois occasionner des questionnements voire des conflits familiaux. L’une des questions les plus fréquentes est la possibilité de déshériter ses proches. Afin de vous accompagner dans votre planification successorale, nous allons vous en dire plus sur la hiérarchie des héritiers, mais aussi la répartition de l’héritage. Cela vous permettra de mieux comprendre le droit de succession français, ce qu’il permet et ce qu’il interdit.

Comment est organisé le droit de succession en France ?

La loi française encadre avec une grande précision les modalités de transfert de la propriété des biens d’une personne décédée à ses héritiers. Ainsi, vous pouvez retrouver dans les articles 720 à 892 du Code civil1 l’ensemble de ces dispositions législatives. Nous pouvons tirer de ces articles trois principes de base liés à la succession.

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1Legifrance, Code civil : Titre Ier, Des successions (Articles 720 à 892), site consulté en juillet 2023

Le principe de succession

En France, si aucun testament n’a été rédigé lors de l’ouverture de la succession, les biens de la personne défunte sont transmis selon des modalités fixées par la loi. Ainsi, un ordre de priorité est utilisé afin de définir la part de chacun. 

L’ordre de priorité est constitué de quatre ordres : 

  • Descendants directs : les enfants et les petits-enfants ;
  • Ascendants privilégiés ou collatéraux privilégiés : les frères et les sœurs ; 
  • Ascendants ordinaires : les grands-parents et les arrière-grands-parents ;
  • Collatéraux ordinaires : les oncles, tantes et cousins.

Le principe de l’héritage

La répartition des biens s’opère donc selon la hiérarchie des héritiers. La présence d’héritiers d’un ordre supérieur entraîne l’absence d'héritage pour l’ordre inférieur. En d’autres termes, les enfants du défunt passent en priorité par rapport aux frères ou aux sœurs de la personne disparue. 

En absence de dispositions testamentaires, la totalité du patrimoine est généralement réparti entre les différents héritiers du même ordre à part égales 

Le principe de la réserve héréditaire

Nous arrivons à un principe fondamental et très important, car il répond à la question “ Est-il possible de déshériter ses proches ? ”. En effet, il encadre l’héritage et empêche au parent de déshériter un enfant, car une part minimale de l’héritage est réservée aux héritiers. 

Plus précisément, la réserve héréditaire se définit comme la “ fraction du patrimoine du défunt qui doit obligatoirement revenir aux héritiers réservataires (descendants) ou conjoint survivant si le défunt ne laisse pas de descendants.2

Ajoutons toutefois que cette réserve ne représente jamais la totalité du patrimoine. Ainsi, la part restante nommée quotité disponible n’est pas concernée par cette limitation. Il est donc possible de disposer librement de cette part de la succession et de réaliser une donation.

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2Service public, Peut-on déshériter ses enfants ?, 2021 

La notion de déshéritage en droit français

Le déshéritage n’existe tout simplement pas en droit français. Il n’est par conséquent pas explicitement défini. Toutefois, il est considéré de manière générale comme l’acte d'exclusion volontaire d’un ou plusieurs héritiers de leur part d’héritage. 

Certains pays autorisant de déshériter ses proches. Au Royaume-Uni ou aux États-Unis par exemple, le principe de réserve héréditaire n’existe pas. Toute personne a donc théoriquement le droit d'exclure totalement un ou plusieurs héritiers de son choix.

Ajoutons que bien que le principe de réserve héréditaire interdise formellement l’exclusion des héritiers, il est possible de moduler son héritage grâce à la quotité disponible. La personne défunte peut par exemple avoir prévu de léguer cette part libre du patrimoine à un héritier réservataire (pour augmenter sa part), mais aussi à toute autre personne de son choix. 

En outre, en l’absence de descendants ou de conjoint survivant, toute personne peut établir un testament afin de léguer ses biens financiers ou immobiliers de la manière qui lui convient.

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Quelle est la part de la réserve héréditaire ? 

La quotité disponible dépend du nombre d’héritiers réservataires. Ainsi, plus le nombre d’enfants est élevé, plus la quotité disponible diminue.


Prenons un exemple pour illustrer ce principe et procéder au calcul de la réserve : 

  • Votre patrimoine s’élève à 100 000 € au total. Vous avez quatre enfants, mais vous souhaitez donner une partie de vos biens à un tiers. La quotité disponible dans ce cas de figure est ¼ de 100 000 €. Par conséquent, vous avez la possibilité de transmettre à ce tiers 25 000 € au maximum.

Les limites imposées par la législation

Comme nous pouvons le constater, même si vous réalisez un testament, la loi française encadre strictement l’héritage et empêche de ne rien laisser à ses propres enfants. Cela s’illustre par des limites, des sanctions et des exceptions.

La protection des héritiers réservataires

La limite est celle de la réserve héréditaire et même en inscrivant vos dernières volontés, vous ne pouvez aller contre ce principe fondamental. Ce dernier protège la part réservée aux enfants et encadre les droits du conjoint survivant. Rappelons une nouvelle fois que vous disposez librement de la quotité disponible, qui est la part restante et qui varie selon le nombre d’héritiers réservataires.

Les sanctions prévues par la loi 

Toute personne qui rédige un testament olographe en faisant fi de ce principe va au-devant de sanctions. En effet, si les héritiers sont lésés par un tel testament, ils ont la possibilité d'intenter une action en justice afin de protéger leurs droits. Le testament incriminé peut alors être purement et simplement annulé. 

L’exception à la règle  

Il existe un cas où cette limite ne s’applique pas : la déchéance de l’héritage. Toutefois, cela s'explique dans de très rares exceptions. Ainsi, si un héritier à volontairement donné la mort ou tenté de donner la mort à la personne défunte, il est alors déchu de l’héritage. 

La nécessité de préparer sa succession

Il est donc interdit de déshériter totalement ses enfants en France. Même une donation entre époux ne peut aller à l’encontre des droits des héritiers réservataires. Cependant, le principe de quotité disponible offre une certaine liberté à la personne défunte. Cette dernière a la possibilité de prévoir sur son testament de léguer cette partie à la personne de son choix.

La meilleure solution reste de bien préparer sa succession en faisant appel à un notaire. Ce dernier pourra vous conseiller sur droits et vos devoirs. Vous pourrez alors prévoir votre succession en amont afin que tout se passe de manière sereine après votre décès.

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Légal

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